Saisissante, passionnante – et amusante – remontée dans l’histoire haïtienne, celle d’une “île au grand soleil, un îlot parmi tant d’autres pareils” comme le chantait Harry Belafonte, né à Harlem, de parents antillais…
Daniel Marcelin, lui, est Haïtien et “ce n’est pas une fatalité”, ainsi qu’il aime à le répéter. La catastrophe qui a frappé son pays l’a manifestement influencé dans le projet qu’il préparait à Bruxelles depuis deux mois, elle ne l’a pas empêché de le mener à terme. Tout au contraire même. C’est animé d’une énergie plus grande encore, qu’il a voulu témoigner, dénoncer, raconter.
Son désir se trouva accru de voir surgir une étape nouvelle dans la véritable épopée que constitue l’histoire de “la perle des Antilles”, l’une des tout premières “république noire”, un pays qui, dès 1804, a su se se déclarer indépendant . On (ré)apprendra d’ailleurs que ce fut cher payé : une dette réelle autant qu’ injuste exigée par la France.
Espoir renforcé, malgré tout, en même temps que le rappel du passé, d’un retour aux sources, à l’identité première car “Ayiti”, c’est le nom d’origine (qui signifie “terre glissante”), bien avant “Hispaniola”, au début de son exploitation par certains grands conquérants (Colomb, 1492, en premier)… Prendre ce nom originel pour titre de spectacle n’est pas anodin mais constitue un défi en soi, une forme, aimable, de revendication. Qu’on ne s’y trompe pas, sous le sourire et la dérision de ce seul en scène, il y a les vérités… très bonnes à dire, à faire connaître publiquement, pour Daniel Marcelin, artiste, et Haïtien tout autant.
Avec un tel prof d’histoire tout cancre deviendrait historien
Daniel Marcelin est un conteur-né, un grand acteur, reconnu dans son pays aussi bien qu’en Europe. Doué d’une forte présence, d’une longue silhouette mobile et d’une grande expressivité, passant tout naturellement des paroles aux bribes de chansons du folklore caribéen, il peut tout nous faire imaginer : personnages, lieux, ambiances. Dans une scénographie toute simple, entouré de bagages divers, en rappel d’un blocage kafkaïen qu’il vécut dans un aéroport, Daniel Marcelin occupe avec bonheur la scène de l’Espace Magh.
Porteur de beaucoup d’humour et de causticité, il fait défiler pour nous quelques siècles d’histoire en une (petite) heure trente dans un rythme soutenu et avec une remarquable économie de moyens. La répétition des prises de pouvoir successives au nom du bien du peuple est rendue tragi-comique, grotesque, comme les hommes eux-mêmes qu’ils soient natifs de l’île, occupants étrangers et de n’importe quelque couleur.
Peut-on encore se prétendre artiste engagé de nos jours ? Une épithète ringarde, vraiment ? Au constat que Haïti est également culturellement dévastée, la réponse de Toni Monnin, galeriste local : “Faisons de la culture la base du développement de ce pays” est la même que celle de Daniel Marcelin, homme de théâtre chez lui avec l’école de théâtre qu’il a fondée, et ailleurs avec ce spectacle résolument militant, qu’il entend bien présenter partout et le plus possible.
Suzane VANINA, Bruxelles
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