Gaspard Dalexis : « Le football féminin haïtien devrait-être à la 4e place de la Concacaf »

sm_gasparddalexisAprès avoir qualifié l’équipe haïtienne de football féminin pour la Gold Cup et la phase finale des Jeux Centre Amérique et Caraïbes Gaspard Dalexis revient sur sa formation, sur les joueuses qui l’ont impressionné mais surtout sur les aspirations légitimes qu’est en droit de nourrir son équipe.

Gaspard Dalexis, vous avez réussi à conduire l’équipe féminine haïtienne à la qualification pour la phase finale de la Gold Cup dans un contexte difficile. Partant du fait que vous viviez loin du football féminin haïtien, parlez-nous de votre intégration dans cette équipe ? J’entraîne des équipes féminines depuis l’âge de seize ans, ce qui fait de moi un spécialiste du football féminin. M. Jean Bart me connaissant m’a contacté après le séisme du 12 janvier m’invitant à apporter une sorte de contribution pour redonner l’espoir. Or quand on est d’Haïti et qu’on vit à l’extérieur, on est toujours habité par ce désir de contribuer à faire quelque chose pour son pays. Or en Haïti, un enfant peut ne pas trouver à manger, mais si on lui donne un ballon, il jouera. C’était donc pour moi une façon d’apporter mon aide en venant ici. J’ai senti que l’équipe est composée de joueuses talentueuses qui avaient besoin d’une certaine organisation, d’une nouvelle [voie] ; voilà comment j’ai intégré l’équipe.

La technique doit servir à la progression du jeu”. Quelles sont vos premières impressions sur les joueuses haïtiennes en général ? Elles ont une réaction de joueuses professionnelles. Elles pratiquent tous les jours et la plupart d’entre elles ne rêvent que de football, ce qui diffère des Etats-Unis où les joueuses ont d’autres distractions telles la télévision, les voitures, les programmes, etc… Les joueuses haïtiennes ont aussi le talent, il s’agit maintenant de canaliser ce talent et de leur indiquer la voie de la réussite (voie qu’elles semblaient ignorer) et surtout les aider à surmonter leur peur. Par exemple, elles jouent contre Cuba et restent focalisées sur le fait qu’elles n’avaient jamais battu Cuba auparavant. Il leur manquait ainsi une histoire de victoire sur laquelle s’appuyer pour aller de l’avant. Ajoutons à cela un manque de discipline technique. Par exemple, les joueuses réalisaient des gestes techniques sans objectif, sans savoir pourquoi le faire. Elles les effectuaient seulement pour la galerie. Ainsi le talent des joueurs, tout comme leur capacité ne servait pas à faire avancer l’équipe. Les joueuses exploitaient mal leur talent. Il fallait que ces gestes qui devenaient inutiles soient mieux exploitées, que le jeu soit finalement débarrassé de ses déchets. Une action doit se réaliser dans l’objectif de la réalisation d’un but. C’est ce que j’ai apporté.

Quelle est la joueuse qui vous impressionne le plus ?Le collectif en général et aucune joueuse en particulier. Notez-bien que nous avons incrit neuf buts et huit joueuses ont participé dans la réalisation de ces 9 buts. Nous avons eu deux défenseurs à scorer. Nous avons eu des milieux de terrain et nous avons eu des attaquants. Par exemple, nous avons un demi défensif qui a réalisé six passes décisives. Les filles ont appris que ce n’est pas une personne en particulier qui va faire la différence mais toute l’équipe. En ce sens, je dirai tout simplement qu’elles ont réappris que « l’union fait la force ». Aussi, je ne me focalise pas sur une personne en particulier car c’est toute l’équipe qui m’a impressionné.

D’accord mais il y a toujours des talents spécifiques dans une équipe. Ce fut Platini ou Zidane en France, Maradona en Argentine, Pelé, Romario, Ronaldo au Brésil…qui pour votre sélection ? Lors de sa première Coupe du Monde, Diego Maradona est passé à côté. Un joueur impressionne quand il contribue à un palmarès. Jouer et gagner contre Cuba, Porto-Rico, Antigua ne donnent pas un palmarès si impressionnant pour qu’on se focalise sur la production d’une joueuse en particulier. On en parlera quand on pourra faire la différence contre une sélection comme le Canada, ou comme le Mexique et les Etats-Unis. Toutefois, il y a environ une demi-douzaine de joueuses qui ont un talent extraordinaire sans minimiser la capacité des autres. Sur les onze, il y a environ ceux qui sont capables de se détacher du lot, mais il faudra qu’elles trouvent l’opportunité et surtout qu’elles sachent se fixer un objectif et faire cette différence quand l’occasion se présentera. Par exemple, l’une des défenseurs pourrait terminer meilleure buteuse de la compétition si elle savait saisir les opportunités qui lui étaient offertes, malheureusement elle n’a pas su exploiter ses chances. Ce sont ces aspects qu’il nous faudra considérer. Vous estimez que le talent des joueuses haïtiennes les place logiquement plus haut que Cuba, Antigua et Porto-Rico.

Selon vous quelle devrait-être leur rang ? On ne doit pas mettre la charrue avant les boeufs, mais normalement dans la zone, le classement en football féminin devrait être : USA, Canada, Mexique et Haïti. Pas plus bas que ça. Haïti devrait devoir jouer dans la cour des grands, disputer sa place en phase finale de Coupe du monde et pouvoir se qualifier même si elle devra se battre contre des formations aguerries. Pour le moment, il faut nous focaliser sur ce qui est. Nous venons nous qualifier pour la phase finale de la Gold Cup et nous allons jouer contre des pays comme Trinidad, Jamaïque, le Mexique, le Canada, etc…, la question c’est de savoir ce que nous allons faire pour pouvoir disputer cette compétition dans les meilleures conditions et surtout montrer au monde que nous n’avons pas voler notre place. L’essentiel est de préparer notre équipe pour que quelque soit l’adversaire que nous devrons affronter, nous nous en foutons et jouer notre meilleur football dans l’objectif de nous imposer.

Connaissant le football féminin haïtien, j’ai été un peu surpris de voir que vous gagnez sans celle qui pour nous est la meilleure attaquante haïtienne du moment. Et étonnamment, vous l’avez alignée lors de la dernière rencontre et elle a marqué. Elle s’appelle Adeline Saint-Ilmont. Pourquoi n’a-t-elle pas été utilisée avant ? Lors de notre deuxième match elle ne faisait même pas partie des 18, cela vous étonnera peut-être, mais c’est dans mon caractère. Je ne tiens pas compte des noms, mais de ce que la joueuse est capable de démontrer. Il est vrai qu’ Adeline Saint-Ilmont semble être une bonne joueuse mais il faut relativiser. Quand on se montre bonne dans une catégorie inférieure, cela ne veut rien dire, il faut pouvoir montrer ce qu’on peut dans des situations difficiles. Il y a des joueuses qui sont très fortes sur le plan local mais dès qu’on monte un peu le niveau, elles ne valent plus grand-chose alors que pour d’autres c’est l’inverse qui se produit. Elles se bonifient au fur et à mesure que le défi est plus grand. Quand Adeline Saint-ilmont aura marqué contre le Canada, contre les Etats-Unis, contre le Mexique et contribuer à mener son équipe à la victoire contre ces grosses cylindrées, alors on en parlera. Pour l’instant, Adeline est seulement une très bonne joueuse qui devra confirmer. D’ailleurs, Haïti c’est plus que 19 joueuses et je pense que chaque joueuse doit mériter sa place.

Quel est le programme ? Trouver un terrain d’entraînement pour jouer les Jeux Centre Amérique et Caraïbes, mais surtout trouver un challenge plus intéressant. Je souhaiterais croiser le fer avec des formations capables de nous mettre cinq ou six buts à zéro afin de voir quelle serait la réaction des filles quand elles sont en difficulté. Dans la victoire, c’est facile mais c’est surtout dans la défaite qu’on décèle le caractère des joueuses. Ces filles savent désormais qu’elles sont en mesure de marquer à n’importe quel moment contre n’importe quelle formation. Cependant, le savoir et se trouver dans la situation c’est différent. Ce sont ces matches difficiles que j’attends et j’espère pouvoir le trouver lors de ces Jeux en juillet prochain.

Sources : http://www.ashaps.com/sports/football/672-gaspard-dalexis-l-le-football-feminin-haitien-devrait-etre-a-la-4e-place-de-la-concacaf-r.html

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