La quatrième édition du festival la Sirène de Saint-Louis du Sud a drainé des milliers de personnes sur le vaste site de cette commune qui honorait son saint patron. Pendant trois jours d’affilée, les grands ténors de la musique haïtienne toutes tendances confondues ont côtoyé les mini jazz de plusieurs villes du département du Sud. La nuit à Saint-Louis résonnait de décibels jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Le troisième jour, à trois heures trente du matin, Koudjay, le dernier groupe, entrait en scène et donnait toute sa mesure.
Haïti: Trois jours de folie à Saint-Louis du Sud, de la musique encore et encore, une telle débauche sonore a le goût du rêve pour le jeune Saint-Louisien. Du 27 au 29 août, le vaste site, orné de belles plages où se dresse le Fort des Oliviers, ruine historique environné de canons, a été le théâtre d’une explosion de joie. Des milliers de jeunes ont jubilé sous l’assaut des décibels modulés par la bande à Jean-Claude Verdier.
Vendredi 29 août. Huit heures du soir. Sur le vaste podium dressé sur un site noire de monde, la ministre de la Culture et de la Communication, Marie Laurence Jocelyn Lassègue, accompagnée du maire de Saint-Louis du Sud, Jean Simon Thony, et de l’un des organisateurs du festival, Ernst Aïs, ont donné le coup d’envoi des trois jours de folie saint-louisienne.
Une patronale vitrine de nos communes
« Les fêtes patronales sont importantes dans notre patrimoine culturel. Elles sont la vitrine de nos communes. C’est l’occasion pour que les gens de la diaspora retournent au bercail et s’émerveillent devant la richesse culturelle et la beauté du paysage de la côte sud », a déclaré madame Lassègue, élégante dans sa robe assortie de motif, devant des milliers de jeunes attendant impatiemment les prestations des artistes.
Les propos de madame Lassègue sont repris par le premier citoyen de la ville, Jean-Simon Thony, qui trouve une belle occasion pour vanter les plages de Saint-Louis, sa couverture végétale et ses nombreux sites historiques qui témoignent de son passé. Thony fait appel aux investisseurs afin que ces trésors oubliés soient valorisés. Il se dit fier de réaliser, grâce à l’appui des secteurs public et privé, cet exploit. « Après le tremblement de terre du 12 janvier, je ne pensais pas que le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Culture allaient nous supporter ; je ne pensais pas que la Digicel allait nous aider à réaliser un tel festival. C’est un honneur pour nous », a-t-il dit.
De nouveaux horizons pour Saint-Louis
Cheveux blancs coupés à la brosse, le visage caramélisé par le soleil, Ernst Aïs, Cavaillonais de souche tout comme ses chauds supporters, madame Lassègue et l’ingénieur Verdier qui se sont donnés à fond, était l’homme orchestre du festival La Sirène. Il était partout sur la scène, dans le public, sur les routes, aux Cayes, à Cavaillon, à Port-au-Prince, gérant de près et à distance mille et un détails de cette grosse machine mise en branle pour trois jours de folie. Comment un homme, si larges que soient ses épaules, arrive-t-il à embrasser autant de tâches à la fois, se demandait-on ?
Soucieux de la réussite de cette quatrième édition, Aïs a mis tout le paquet sur les artistes, la scène et la sonorisation pour en donner plein la vue aux festivaliers. Il est loin le temps où ce site marécageux confinait les jeunes au bord de la plage. Le Cavaillonnais s’en souvient lorsqu’il regarde ce terrain plat, sec, qui se déploie sur cinq hectares environ. Pour avoir franchi différentes étapes, il a foi que cette initiative, saluée par les Saint-Louisiens de l’intérieur et de la diaspora, va ouvrir de nouveaux horizons pour cette ville paisible, l’une des plus anciennes d’Haïti, car Saint-Louis a été fondée en 1508 par les Espagnols sous le nom de « Villa Nueva de Yaquine ».
La recette du festival
La musique a fait place aux discours. Et le groupe Rèl, issu du mouvement Loray, a débuté la soirée sur un air de reggae. Ce rythme imperméable au temps qui passe a succédé à d’autres avec le même entrain, le même feeling du début jusqu’à la fin de leur prestation. De nombreux artistes de la côte sud, piaffant de joie à Fort des Oliviers, rêvent de jouer comme ces jeunes qui butinent sur plusieurs palettes rythmiques.
Après sa brillante prestation au festival de la rivière de Cavaillon, le groupe Freedom des Cayes s’est surpassé à Saint-Louis. Mackenson Datus, le lead vocal de l’ensemble, était tout feu tout flamme sur le vaste podium estampillé au logo de la Digicel.
Etaient aussi présents sur le site des objets, des signes vantant le Rhum Barbancourt, le Riz Tchako, l’AAN, la Tortug’air, la Caribbean T-Shirts, l’Ispan, pour ne citer que ces sponsors.
Kado Mizik, un des fleurons de Cavaillon a mis du coeur à la tâche, exploitant les tubes qui marchent sur les ondes. Manifestement, le groupe a fait bonne impression au festival.
Lorsque les groupes du département du Sud entrent en scène, un sentiment d’appartenance se crée comme par enchantement. Les gens se retrouvent et crient les noms des artistes. Aussi est-ce dans cet esprit que les organisateurs du festival ont concocté la recette qui mélange, dans un cocktail, les groupes de la côte sud et les grands ténors musicaux ayant leur base à Port-au-Prince et dans la diaspora.
Un festival tous les ans en province, est une recrudescence de plaisir qui inonde les jeunes privés de toute distraction. « Sur 365 jours, on n’a que trois jours de fête à Saint-Louis. Alors, tu comprends, lorsqu’un jeune rentre à Port-au-Prince, il n’a pas intérêt à retourner ici. C’est le même schéma dans 96% de nos provinces », réagit Pierre, un jeune étudiant saint-louisien vivant à Port-au-Prince.
La musique qui a pénétré l’âme et le corps de ce public assoiffé, est rentrée dans la danse à minuit. Rasin Mapou de Azor a déployé ses ailes dans la nuit noire pour envelopper et chevaucher les serviteurs des lwa. Sur le terrain caillouteux, des hommes et des femmes en transe dansent et tombent avec fracas. Ils gigotent, s’étirent ; on a peine à les maîtriser. Les tambours roulent, les corps en font autant sur le sol.
La deuxième nuit, la même recette est servie. Des grands ténors accompagnent les groupes des communes avoisinantes. RAM, Brothers Posse et les groupes du Sud ( Love compas de Cavaillon, G sept des Cayes, des groupes de plusieurs tendances de Saint-Louis du Sud) ont tenu le public en haleine.
Don Kato, véritable leader sur scène, a permis au public de découvrir les talents cachés de deux jeunes lors d’un concours de chansons improvisées qui devaient mettre en relief le style et le timbre vocal de Kato. Chacun des deux talents qui concouraient pour la somme de cent dollars américains, venait d’une commune différente.
Le festival, qui a permis aussi aux petits commerçants de la côte sud et aux artisans d’engranger des recettes pendant trois folles nuits, a été clôturé le lundi 30 août avec Mélodie de Port-Salut, Krezi Mizik et Koudjay.
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