Source : Nouvèl Fokal
Il s’appelle Ernest Pignon-Ernest. Il est plasticien. Il y a quelque chose d’unique dans la démarche esthétique de cet artiste. Depuis 50 ans, il appose sur les murs des villes du monde, des œuvres qui lui ont coûté des années de travail, sans même les signer. Il était en Haïti dans le cadre de la troisième édition du festival Etonnants Voyageurs. Dans son intervention à la Fokal, il apportait beaucoup de précisions sur son travail.
Aucune image n’est collée au hasard
« Je choisis les lieux pour ce qu’ils sont. Je ne colle jamais une image au hasard », précise d’emblée Ernest Pignon-Ernest. Il doit d’abord se sentir appelé. C’est généralement la poésie qui attire sont flair. « Ce qui déclenche mes voyages dans les villes, c’est presque toujours les poètes », reconnaît-il.
Une fois dans la ville, il prend le temps de se l’approprier. Il s’y promène de jour comme de nuit, rencontre les gens, essaie de saisir dans les lieux tous leurs « potentiels plastiques » : la couleur des murs, la matière dont ils sont faits, la façon dont la lumière vient se poser sur eux.
Il travaille ensuite et beaucoup plus, sur tout ce qui ne se voit pas dans les lieux, ou qui ne se voit plus. « Il est nécessaire de redonner une densité au passé », pense-t-il.
Au bout de ces recherches seulement, se met-il assidûment à dessiner. Ses dessins ainsi nés du lieu même, son mur identifié, il débarque au milieu de la nuit, sans autorisation, placarde des centaines d’images, qui, dès le lendemain, commencent à parler aux habitants de la ville, à les obliger à se rappeler de leur propre histoire, à se questionner sur leur rapport avec leur espace.
Le lieu fait partie de l’œuvre.
Ernest Pignon-Ernest n’a jamais considéré la rue comme un simple moyen de diffusion de ses dessins. Le lieu fait partie de l’œuvre. « Je n’expose pas mes dessins dans la rue. L’œuvre que je propose, c’est le lieu. C’est la rue. C’est telle ville. Telle ville avec son histoire. Et le dessin n’est qu’un élément de tout ça. »
Rien n’est promis à Port-au-Prince
Ernest travaille actuellement sur plusieurs interventions. Il reconnait n’avoir plus vingt ans et ne pas disposer, pour l’instant, du temps que nécessiterait un travail digne de Port-au-Prince. Il ne promet donc rien aux murs de la capitale haïtienne. Il reste cependant ouvert à l’inspiration. Ce parcours singulier pourrait intéresser les artistes du « street art » haïtien qui devront rappeler aux vendeurs du marché Salomon qu’ils occupent le lieu d’errance favori du poète Carl Bouard.
La biographie, les œuvres et les actualités d’Ernest Pignon-Ernest peuvent être consultées sur son site : http://www.pignon-ernest.com/
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