Au café-philo, l’écrivain n’est pas en pyjama

Dans leur rituel de rencontre, ce soir, le mardi 18 juin 2013, Dany Laferrière est à café-philo. L’atmosphère est tendue. De conversation franche, l’écrivain fait le point de son parcours. Mais pour respecter l’ordre du rituel, l’assistance se met debout pour chanter la Dessalinienne, suivi de leur chanson fétiche, qui met en honneur Che Guevara. Par ailleurs, de différents personnages, dans le milieu littéraire viennent à sa rencontre, dont Pierre Clitandre, son fort bon ami. Il y a également des lecteurs, des curieux, des amoureux de la philosophie, des philosophes de profession. Tous sont présents pour découvrir beaucoup plus l’écrivain qui a rebondi l’échelle du prix Médicis en 2009.

Dany Laferrière

L’auteur dont son premier roman: “Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer” (paru à Montréal VLB éditeur, 1985) cite ses auteurs préférés, en qui il a puisé sa forme d’écriture. En l’occurrence, Charles Burkowski, par sa manière d’harmoniser l’écriture aux plaisirs sexuels, de créer un imaginaire qui pourrait chambouler même la plus criante solitude. Et Borgues par sa manière d’écrire, visant à donner sens et vie même aux choses muettes. Ces influences lui ont permis de produire dans un au-delà de la souffrance duvaliérienne.

L’écriture est d’abord une fête intime. Ce passage se trouve dans son tout dernier ouvrage “Journal d’un écrivain en pyjama” (Montréal, mémoire d’éncrier, 2013). Cet ouvrage fait tout un itinéraire sur la notion de l’écriture littéraire. Il comporte des critiques par rapport à certains écrivains. C’est également un ouvrage dont sa grille vise à apporter des éléments de réponses par rapport à certaines interrogations faites par mes lecteurs dit-il. Il poursuit pour dire, quelqu’un qui souffre d’insomnies doit savoir lire, pour goûter à la passion de la lecture et de l’écriture. Elles vont de paire. C’est ainsi que j’aie pu produire cet ouvrage, en pyjama. De la même manière de Charles Burkowski (woman).

Quand c’est le public qui prend la parole à Café-philo, c’est toujours une tension. Car c’est le moment le plus fort et le plus difficile. Mais Dany, garde sa bonne humeur. Voulant racheter son point de vue par rapport à la présence de Duvalier fils sur le territoire national, l’écrivain répond: “si vous voulez découvrir ma position politique sur mon pays, il faudrait lire et comprendre mes textes”. Des textes, qui malgré eux, n’ont aucunes visées politiques. Mais il faut aller au-delà de ce qui est écrit, poursuit-il pour finir. Ces propos, n’ont pas eu de bonne réception face à ce public tenace et politique.

Dany Laferrière, l’écrivain de “comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer”, paru en 1985, poursuit son petit bonhomme de chemin avec “le goût des jeunes filles” en 1992 a fait un nom dans la littérature haïtienne. Il est également l’écrivain haïtien qui a emporté le prix Medicis en 2009 avec l’énigme du retour (Paris Grasset 2009- Montréal, Boréal en 2010). Il a griffonné son immortalité dans le Dictionnaire Larousse 2013. Plus d’une vingtaine d’ouvrages. Voilà ce que nous offre l’écrivain comme gain. Partout dans le monde, je verse mon encre pour donner une nouvelle forme d’image d’Haïti aux yeux des autres, pour qu’ils puissent goûter la profondeur de mon pays, dit Dany Laferrière pour clore la rencontre.

Réginald Rosemond
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