Comme chez quasiment tous les peuples, la peinture, comme art, est présente dans la vie ayitienne. Dans notre pays, il fait même partie de notre décor quotidien. Si nos principales villes regorgent de galeries où s’exposent les toiles de qualité (tableaux de célébrités, confectionnés avec du matériel professionnel), les rues de certains quartiers ainsi que beaucoup de nos véhicules de transport en commun sont décorés d’œuvres d’artistes moins côtés, réalisées avec du matériel bon marché, mais n’effaçant guère la technique des artistes.
Sur ces fresques, tant celles de nos galeries que les autres s’exposant dans nos rues, c’est toute notre vie et notre histoire qui se revivent. Elles témoignent de toute notre mémoire de peuple. Et plus encore…
Des scènes de la bataille d’indépendance, des portraits de nos héros, de nos étoiles de la musique ou du foot; des souvenirs de nos tragédies; des représentations de nos paysages; des images de nature morte: des paniers de fruits, des bouquets de fleurs, des oiseaux, des femmes nues.
Mais aussi des dragons, des animaux de la jungle, des forêts africaines, des vedettes internationales, d’hommes politiques du monde; tels qu’ Obama, Mandela, etc…
Et cette peinture ayitienne ne date pas d’hier.
Son histoire a débuté bien avant l’arrivée des européens sur l’île. Les Taïnos nous ont bien laissé tout un héritage, notamment les vêvê, pour certains vodouisants (bien que d’autres les croient plutôt venus d’Afrique). Puis est venu le temps de la colonisation qui induira la rencontre sur ce brin de terre de l’Afrique et l’Europe. Il existe même de sérieux indices qui pencheraient pour une présence des Taïnos au même moment, ce qui nous ramènerait donc à une cohabitation et un échange entre les arts Africains, Taïnos et Européens.
Victime, comme toutes les autres branches de notre art, de l’isolement politique du pays, officialisé par ce Congrès de Panama en 1826, mais amorcé depuis l’indépendance, la peinture ayitienne se referma sur elle-même et n’évolua que très peu. D’après Michel Philippe Lerebours, dans le premier tome de «Haïti et ses peintres», les «rares nouvelles valeurs…introduites dans le milieu […] ne parviendront pas toujours à s’intégrer dans la réalité».
La peinture ne mourut pas pour autant. Elle resta très présente dans les hauts lieux de la politique et de la nouvelle aristocratie. La plupart des peintres des débuts de la république auraient d’ailleurs vécu presqu’exclusivement de leur art, réalisant de nombreux portraits. Sous le règne de l’Empereur Faustin 1er, on retrouve même des peintres officiels, anobli par le monarque.
Après le second Empire, vint l’époque que certains qualifient de «La belle époque haïtienne». Ç’est avec Nissage Saget que les arts vont prendre leur nouvel envol avec une prolifération des écoles d’arts, notamment de peinture.
Puis, suite à la révolte culturelle de 1927-1928, vient la résistance contre l’occupation américaine. La peinture indigéniste, dont l’origine est liée à un peintre noir américain William Scott, vit le jour sous l’égide de la Revue Indigène et du livre Ainsi Parla l’Oncle du célèbre écrivain Jean Price Mars.
En février 1943, arrive en Ayiti, Dewitt Peters, dans le cadre d’une coopération culturelle entre le pays et les États-Unis d’Amérique. Il crée le Centre d’art qui contribuera énormément au développement et à l’épanouissement de la peinture ayitienne. C’est à partir de là que la peinture d’Ayiti prend son envol pour s’imposer sans difficulté aux États-Unis d’Amérique et en Europe.
Cette peinture et son histoire sont, par contre, peu connues de la société ayitienne. Certes, les initiés et les vrais amateurs d’arts sont familiers aux noms tels que: Ector Hyppolite, Laurenceau ou Dodard, mais la plupart d’entre nous ignorent totalement l’importance et l’histoire de nos peintres.
Cette nouvelle rubrique que propose Tipiti, essaiera de mettre en lumière cet art totalement intégré à l’histoire et à la vie du peuple d’Ayiti.
Tilou Jean Paul | Créez votre badge
Twitter (@TilouJeanPaul, @Tipitibiz)
Les commentaires sont fermés.