Colbert Faugue, le promeneur amoureux

Depuis plusieurs semaines, les internautes peuvent savourer sur les réseaux sociaux son nouveau et premier tube « Bò kote ou ». Une musique compas aux accents de zouk love, empreinte de langueur. Une complainte amoureuse évoquée par une voix pleureuse, pathétique, pleine de tendresse, d’émotion.

Ce natif du Môle-Saint-Nicolas traîne derrière lui, non pas son mal de mer, mais l’absence infinie de son être aimé dont il soupire la présence. Comme un exilé d’amour sur la terre ensoleillée de Naples, l’ouest de la Floride, Colbert Faugue vit son mal qu’il décrit dans cette musique dont sort bientôt la vidéo clip sur les chaînes de télévision haïtiennes et celles de Miami.

À bien écouter « Bò kote ou », on penserait à tort à un tube de Klass. Car Colbert Faugue a bel et bien composé le morceau depuis Port-au-Prince, où il a grandi et vécu jusqu’à son départ en été 2008 pour Naples. La Klass de Richie n’avait même pas encore été créée. « D’ailleurs, la musique est universelle, vous trouverez toujours des morceaux qui se ressemblent, quelques uns qui vous en rappellent d’autres », souligne-t-il.

À « Bò kote ou », qui fera partie d’un album, succède déjà un autre tube qui s’inscrit dans le même champ de la plainte d’amour. « J’aime beaucoup les femmes. Je ne le cache pas. D’ailleurs, elles sont nos mères », justifie l’artiste. Dans ses chansons, il n’évoque pas le social, ni la politique, qui semblent bannis. Elles transpirent l’âme déchirée, le mal-être d’amour, l’amant déçu, la solitude de l’homme, tel un chanteur en proie à l’angoisse existentielle et au suicide.

La musique, pour parodier l’autre, c’est la vie de Colbert Faugue. Adolescent, déjà il joue du tambour à l’église Notre-Dame de Lourdes de Côtes-de-Fer, une section communale de Môle-Saint-Nicolas. Ses études primaires terminées, le jeune homme rentre à Port-au-Prince rejoindre ses frères et sœurs. Il est accueilli à l’église Saint-Michel, à Fontamara, où il continue de jouer du tambour et aussi de la guitare basse. Colbert Faugue est un autodidacte. Il s’initie seul au tambour, puis à la batterie, ensuite à la guitare basse. On le retrouve comme batteur dans les formations compas comme Idole, Sweet and Nice, Show Kreyòl. Il s’essaie depuis quelque temps au piano, surtout pour harmoniser ses propres compositions.

colbert2Pour se perfectionner, il entre, en 2004, à l’Ecole nationale des arts (Enarts). Mais il n’y pas eu de cours de batterie ni de guitare basse. Il se spécialise en guitare (solo). L’expérience de l’Enarts lui sera enrichissante et inoubliable. Sous l’égide du directeur général, le saxophoniste et jazzman Turgot Théodat, le musicien apprend à apprécier la musique (notamment des thèmes de jazz, de bossanova), à en décortiquer les structures, après l’avoir écoutée.

Le cours d’appréciation musicale animé par Turgot Théodat, nous confie-t-il, l’a beaucoup aidé dans sa carrière de compositeur. Son passage à l’Enarts est déterminant dans son évolution musicale. Il avait formé avec des amis, quelques années avant son départ pour Naples, un quatuor qui performait dans les restaurants huppés de Pétion-Ville. Le groupe jouait, pour le bonheur de leurs spectateurs, du jazz, de la bossanova. Mais toujours est-il que cette expérience lui servait aussi à enrichir son style compas.

À Naples, où il accompagne l’orchestre du temple adventiste Elim et des groupes compas dans leurs soirées à Miami, Colbert Faugue se plaint toutefois de n’être pas dans une forte ambiance musicale, de concurrence, de n’y trouver de grands musiciens jouant du compas. Comme un solitaire, il continue de composer et de jouer sa musique à laquelle il voue sa vie, et de la dédier à son être aimé, qui lui est le plus cher au monde.

Chenald Augustin