Dernièrement, j’ai assisté à un débat – assez récurrent d’ailleurs – sur les origines réelles du rythme national d’Haïti : le Compas. Beaucoup n’admettent pas que Nemours Jean-Baptiste en soit le « père » ni qu’il célèbre 64 ans d’existence cette année. Et ce n’est pas la proposition de Loi votée au Sénat de la République ce mardi 16 juillet 2019, consacrant le mois de juillet “mois du Konpa”, qui y changera grand-chose.
Cependant, à investir tant de temps et d’énergie dans ce débat, on finit par passer à côté d’un autre plus urgent. Si un doute, aussi minime qu’il soit, subsiste encore sur les origines du Compas, le reste de sa trajectoire n’apparait pas rassurant. Mettons le doigt profondément dans la plaie : où va le Compas finalement ?
Si l’on en croit plus d’un, le Compas s’internationalise avec la nouvelle génération. Nos groupes jouent de plus en plus à l’étranger pour un public composé d’Haïtiens, mais aussi d’une grande part d’étrangers. La production de nombreux groupes haïtiens « de cette génération » est très consommée et demandée dans les Antilles, en Afrique, en Europe, en Amérique du Nord… On connait sur la pointe des lèvres, en Martinique et en Guadeloupe, des tubes de Carimi, Harmonik… Pour ne citer que ceux-là !
«La nouvelle génération a complètement raté les opportunités offertes par les technologies»
Bon, bref ! Cessons de mentir à nous-mêmes ! Cet exploit n’est pas du tout générationnel. Tabou Combo, Tropicana, l’Orchestre Septentrional d’Haïti, Coupé Cloué, Magnum Band… Tous ont bercé les Caraïbes, l’Afrique, l’Europe et l’Amérique du Nord; la diaspora haïtienne surtout, mais aussi des étrangers cosmopolites friands de bonne musique. Et depuis toujours, les mêmes problèmes d’ordre structurel pour l’exploitation efficace du Compas sur le terroir et son « internationalisation » ont toujours existé. Pire encore, la nouvelle génération a complètement raté les opportunités uniques que lui offrent sur un plateau d’argent les avancées technologiques.
Il y a un retard considérable entre l’industrie musicale dominicaine – par exemple – avec celle d’Haïti. Pendant que Romeo Santos jouit des structures en place, de l’autre côté de la frontière pour exploiter à fonds les marchés national et international, en Haïti nous n’allons nulle part, et nous nous leurrons avec des petits exploits-mirage. Même cas pour les artistes des Antilles françaises ou encore ceux des industries musicales africaines par rapport aux nôtres. Et ce n’est pas une question de rythme ni de langue. Encore moins «l’isolement culturel d’Haïti » par la communauté internationale pour se venger de l’affront infligé en prenant notre indépendance. Sornettes !
Un fait est sûr, au tempo où ça va, le Compas finira par mourir ! Pourquoi ? Pour diverses raisons qui se déclinent dans les vérités inavouables cachées dans les réponses à ces questions, et tant d’autres encore : A quel point peut-on espérer jouir des bénéfices d’une œuvre musicale et de l’exploitation de ses droits en Haïti? Comment fonctionnent (encore) l’industrie du spectacle, le circuit de distribution des œuvres musicales, la presse musicale etc. ? Et à qui est-ce réellement profitable ? Quels sont les mécanismes d’utilisation de la technologie dans l’exploitation de la musique en Haïti conventionnellement admis ? Qui effectuent les études de marché pour orienter l’industrie musicale haïtienne (tellement clanique), tant sur le plan local qu’international ? Quels sont les critères standards internationaux pour évoluer et profiter du marché global que nous appliquons ? Quelles sont les structures mises en place pour repérer, encadrer, former et orienter les jeunes talents ? Sur quelles bases théoriques et rythmiques se développent, en fait, la philosophie dite « évolutive » du Konpa ? Quels sont les référents du Konpa et qu’est-ce qui garantit la pérennité de son essence et de son identité à travers le temps?
Ouf ! Admettons-le les amis ! Le Compas ne va nulle part. Et comme pour changer de cap, il faut un « chita pale jeneral » au sein du HMI, l’avenir paraît vraiment sombre.
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