Ne sommes-nous pas en face de la meilleure sélection ayitienne de football en termes de qualités tactiques et physiques?
Ce qui nous a toujours manqué, dans nos précédentes sélections, nous est offert en formule presque parfaite dans la dernière équipe de Marc Collat. Non moins technique, cette sélection est dotée d’une discipline tactique éprouvée, alliée à une capacité physique qui répond aux besoins. 90 minutes de mouvements synchronisés durant lesquelles le Costa Rica a été pratiquement incapable de nous dominer dans le jeu. Nous l’avons déjà démontré contre le Canada, le Mexique et le Costa Rica; et hier soir, nous l’avons confirmé à nouveau contre l’équipe costaricaine. Ayiti a une équipe solide dans tous les compartiments du jeu, et il faut vraiment se dépasser pour la vaincre.
Pourtant, hier soir, notre sélection a évolué avec deux manques énormes et cela s’est vu sur le terrain. D’abord Kevin Lafrance n’est pas défenseur central de métier (même s’il a déjà évolué dans ce poste). D’ailleurs, il est défenseur à son nouveau club chypriote de l’Appoel Nicosie. Malgré son bon match, on a vu des réflexes de médians prendre le dessus dans certaines circonstances. Sur le but du Costa Rica, Kevin ne recule pas pour tenter de jouer le ballon. Il laisse ainsi, toute la liberté à l’attaquant, de placer la balle dans les buts. Toujours dans la ligne défensive, dans plus d’un match, il apparait que nos deux latéraux ne sont pas capables d’évoluer pleinement pendant 90 minutes. L’adversaire a raté encore 2 buts, facilités par un mauvais réflexe défensif; ce qui pourrait avoir été causé par la fatigue.
Pourtant l’énormissime Brian Alcéus a couvert tellement le milieu à lui seul que les latéraux auraient pu compenser, sur les ailes, la faiblesse offensive de l’équipe. Alcéus est un monstre à multiples tentacules, un «baryè boutèy» qui ne laisse rien passer au milieu. La seule façon pour le Costa Rica de traverser le milieu de terrain était de balancer le ballon. Sur le match livré hier soir contre le Costa Rica, Alcéus s’est mis au niveau des plus grands médians défensifs du moment. Il pourrait évoluer dans n’importe quel grand club européen et serait un atout majeur pour toute équipe dirigée par Mourinho. Sa lecture de jeu est parfaite, son marquage propre et rigide à la limite permise. La densité de son jeu a libéré Sony mais qui n’a pas su ou pas pu en faire profiter à ses camarades de la ligne d’attaque.
Le second problème est justement l’animation offensive qui n’était pas à son meilleur niveau. Le 4-2-3-1 aligné, a montré des doutes dans les prises de décision, et surtout le rôle de Lionel Désiré. Il a souvent été présent comme 2e attaquant, plus que le 9 et demi qui était son véritable rôle. De plus, on n’a pas vu d’échanges avec Sony qui était le médian avancé. Les deux joueurs étaient appelés à assurer l’animation offensive et mettre Pierrot en situation de marquer. Désiré n’est pas assez connu pour commenter sa performance, mais il ne semble pas prêt à reléguer Nazon sur le banc. D’ailleurs, dès la rentrée de l’attaquant fétiche, on a vu le changement apporté dans l’animation offensive et surtout son instinct de tueur pour aller rapidement tester Navas (le gardien du Costa-Rica).
Collat, le sélectionneur, essayait-il de trouver une paire de rechange à celle composée de Saba et Nazon? Peut-être ! Le moment aurait été très mal choisi, puisque Ayiti n’est pas encore en situation de qualification pour se le permettre. On ignore la raison de ce changement, puisque les habituels titulaires étaient disponibles. Malgré tout, Collat a réussi son pari – à demi pour certains car on aurait pu battre à nouveau le Costa Rica. Mais dans ses buts se trouvaient une muraille, un talent pur qui se passe de présentation.
À présent, les entraineurs des clubs nationaux devraient regarder de près l’évolution tactique de notre sélection nationale et en tirer leçon. Il serait même profitable de les faire travailler avec notre sélectionneur, de sorte qu’il prépare les joueurs locaux, physiquement et tactiquement, à compétitionner avec les actuels titulaires qui sont pour la majorité, des joueurs qui n’ont jamais évolué en championnat national.
À l’heure où la discipline tactique représente le moteur des grands clubs et sélections internationaux, le football ayitien ne peut se permettre de rester dans la formule instinctive où seul le talent compte. Le Brésil, réputé dans le football instinctif de talent, a longtemps changé de système. On a vu l’Espagne dominer le monde du football avec un alliage intelligent de tactique et d’instinctif. La roue a longtemps tourné et nos modèles ont su en profiter. À nous alors de nous lancer dans la nouvelle formule, et reprendre notre place du moins dans le football caraïbéen.
À la discipline tactique!
Photo de couverture: Haititempo
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