Bravo ISIMIC !!!.
Ce n’est pas parfait, mais c’est excellent. On a besoin de ces personnes aussi au sein de la musique Ayitienne. En général ceux qui sont aussi instruits, sont peu nombreux à jouer du Compas.
J’ai apprécié la profondeur de sa connaissance en musique et cette facilité à communiquer ses idées.
J’ai bien évidemment certaines réserves, en tant qu’ancien étudiant en musicologie de l’ENARTS et mélomane du Compas.
D’abord en ce qui concerne l’orchestre et sa manière de l’aborder. On dirait pour lui qu’il n’a que l’orchestre symphonique et l’orchestre philarmonique. Dire qu’il n’y a pas d’orchestre dans le Compas c’est errer ou ignorer les types d’orchestres.
Tropicana et Septentrional font partie de ce qu’on appelle Orchestre de variété ou orchestre de bal. C’est un orchestre moins formel, jouant des musiques populaires ou de danse et qui combine généralement des instruments acoustiques et électroniques pour une grande diversité sonore.
Les orchestres de variété sont présents dans tous les pays et s’adaptent à tous les styles : pop, rock, jazz, disco, funk, les musiques latines, Compas etc.
Les morceaux sont harmonisés dans un style qui met en valeur à la fois les instruments solistes de toutes sortes et le chanteur principal ainsi que sa chorale. L’expression musicale de l’orchestre de variété laisse beaucoup de liberté à la création et la diversification de style.
D’ailleurs dans notre Compas tous les instruments peuvent jouer en solo comme dans un style jazz ou encore on peut trouver des morceaux mélangeant du disco et de la musique latine à souhait.
En général il n’existe pas de normes strictes pour écrire des musiques populaires. Cependant on trouve des conventions ou, si vous voulez, des pratiques courantes qui aident à créer des morceaux accessibles et accrocheurs.
Je me rappelle une intervention de Richie expliquant la différence entre jouer du Compas et jouer du Compas direct. Cela voudrait faire comprendre qu’il y a des ‘’règles’’ même si elles ne sont pas forcément rigides.
Ma deuxième réserve concerne les textes. ISIMIC voudrait faire croire que nos paroliers écrivent des textes qui ne suivent pas des règles. « Nan moun nou genyen k’ap ekri jounen jodi-yo, dèfwa yo ekri pou ekri, men yo pa ekri selon ‘les normes’ ki gen rapò avèk ekriti »
Alors là, c’est complètement errer à vouloir qu’il y ait des normes pour écrire dans la musique populaire. Dans le métier « d’écriture » il y a certaines normes, tout dépend du type de texte qu’on doit écrire. Dans la poésie, par exemple, si on fait des vers, il y a une manière bien précise d’écrire une ode, un sonnet ou une ballade.
Mais dans la musique populaire comme le Compas on utilise la poésie libre ou la poésie en prose. Dans ces types d’écriture, selon moi, la seule règle obligatoire est la cohérence interne. Le choix des mots, la progression des idées ou des images doivent refléter une intention précise.
En général, le texte devrait être facile à comprendre. Cependant on peut aussi se permettre d’utiliser des figures de style comme les métaphores, les comparaisons et les symboles pour évoquer des émotions ou des concepts.
« Si m’ te ka kilòt ou mete, mwen pa t’ap janm sal ou chire …» Ce texte requiert une analyse fine pour saisir l’intention de l’auteur. Il faut surtout saisir ce désir d’attachement et de fidélité et ne pas prendre le texte de manière littérale.
« Se pa dat m’ap plante flè pou m’ jwenn yon ti papiyon ». Pour certains ce texte n’a pas de sens. ISIMIC semble prendre le texte hors de son contexte. Le texte, ou la phrase, laisse une ouverture à l’interprétation, ce qui est une force dans un cadre poétique ou philosophique.
Selon moi, ce texte fait état d’une culture de patience pour finalement accéder au résultat attendu. On pourrait aussi y voir le travail nécessaire pour atteindre un objectif ou créer des conditions favorables au bonheur. Les interprétations de ISIMIC en ce sens sont trop littérales et font fi de la figure qui est l’élément central vers lequel regarder.
Il est vrai que le Compas est rempli de textes mal écrits mais il est essentiel de ne pas se presser à catégoriser des textes qui demandent en réalité une plus grande attention et une analyse qui n’emprisonne pas la poésie dans le littéral.
Contrairement à certains qui ont tendance à réfuter ces textes, je crois que c’est plutôt un enrichissement pour le Compas de produire de tels textes au lieu de se noyer dans des facilités ou de la grivoiserie.
Ma dernière remarque concerne le « classique ». ISIMIC a bien abordé l’idée des morceaux qui deviennent des classiques. Mais en présentant des exemples il a commis une bourde énorme de mentionner le texte « Les gens du Nord » comme une composition de Daniel Larrivière. Non c’est une interprétation tout simplement. Il est vrai que c’est un classique mais l’auteur est bien Enrico Macias.
En conclusion, le dialogue de ISIMIC avec l’animateur Jean Gardy Vincent est un régal en ce qui concerne la connaissance des notions et concepts de base de la musique de manière générale. Il n’est pas le seul artiste du Compas à posséder un tel bagage mais c’est le premier que j’ai écouté personnellement intervenir sur la littérature musicale.
Même si son approche pour analyser les textes qui circulent à travers le Compas est encore piégée dans les normes rigides de la poésie classique.
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