Manno Charlemagne: un homme de conviction

Emmanuel Charlemagne, dit Manno Charlemagne

Son voisin immédiat est un musicien de grand Calibre, Dodof Legros, il va à l’école chez les Frères de l’Instruction Chrétienne et fait aussi partie de la chorale. Toute cette ambiance lui permet de conceptualiser sa musique, sans oublier l’affection qu’il manifeste pour le rara. Ce qu’il aime dans ce genre musical, c’est ce qu’il appelle l’essentialité culturelle. Manno Charlemagne présente avec élégance un pan de l’histoire d’Haïti et celle de sa génération, particulièrement celle des jeunes qui ont grandi dans le quartier modeste des années 50, notamment la Grand-Rue, il retrace aussi le rapport qu’entretenaient ces jeunes avec les lieux sacrés : tels les «lakous» et les «péristyles», une époque au cours de laquelle ces rythmes n’avaient pas encore été détrônés par le « Compas Direct » de Nemours Jean Baptiste et le « Cadence Rampa» de Webert Sicot.

Ses influences…

Manno Charlemagne, à part son amour pour les musiques traditionnelles et les contes qui ont bercés sa jeunesse, est influencé et affectionne des musiciens tels : Dodof Legros, Arius Cadet, Gérard Dupervil, Lumane Casimir, Issa el Saieh, Joe Trouilllot, Guy Durosier, Toto Bisainte et Ansy Dérose, pour ne citer que ces derniers. Il côtoie, au cours de cette période des hommes, des femmes de lettres et de médias. Il se frotte aussi à des écrivains et des artistes qui émergent : Lyonel Trouillot, Konpè Filo, le poète et comédien Richard Brisson. Il découvre aussi des textes produits par des penseurs de Gauche, parmi lesquels : Antonio Gramsci, Maxime Gorki et bien d’autres. Ces influences lui ont permis de constituer une conscience politique et sociale. Sa mère est aussi l’un de ces grands modèles, en raison de sa passion pour le chant traditionnel, dans lequel genre, il dit reconnaitre une profonde richesse harmonique.

La musique engagée et la solidarité culturelle.

Il est très reconnaissant, et salue la solidarité et la générosité de Lyonel Benjamin qui le fait passer en direct sur Radio Métropole pour l’interprétation d’un morceau aux cotés de son complice d’alors : Marco. Qui plus est, une musique bâillonnée à cette époque et baptisée de contestataire. C’est aussi une époque pendant laquelle les artistes se donnent la main. Manno Charlemagne interprète Lyonel Trouillot «Pouki»; un texte d’une rare musicalité, un texte né chez le fameux peintre Jacques Gabriel. La petite bourgeoisie à fortement contribué à l’essor des mouvements culturels de l’époque raconte l’artiste. Il confie toute l’admiration qu’il voue à Gerard Dupervil et Raoul Guillaume, deux icônes de la musique haïtienne, qui ont su courageusement, remettre en question le régime des Duvalier à travers leurs chansons.

L’exil chez Manno Charlemagne

L’exil lui à permis de se réaffirmer comme chanteur engagé, comme pour beaucoup d’autres, il croit que cette distance par rapport à son pays est un enrichissement, il suffit de savoir le regarder du bon coté, à son retour en 1986, la réaction du public haïtien, particulièrement celle de la jeunesse haïtienne; la surprend agréablement, quand le public chante à l’unisson «Michelle Bennet I’m sorry for u», une chanson qui célèbre le départ précipité des Duvalier le 7 Février 1986.

Le scénario, les points forts

Le réalisateur Frantz Voltaire, auteur de «Haïti avant Duvalier» et «Maestro Issa», à réussi le pari, en sortant des sentiers battus, tout en évitant de sombrer dans la routine, il ne se contente pas de coller une narration sur des images creuses, des moments forts du chansonnier. Il nous a restitué en 58 minutes et 52 secondes, un pan assez important de l’histoire d’Haïti en chanson. Le film nous permet de déecouvrir, comment la musique peut être une arme de contestation ou d’allégeance par rapport à un pouvoir en place.

Les Points faibles

Certaines images que nous retrouvons dans certains autres films, qui abordent les mêmes thèmes, se retrouvent de manière presque récurrente, dans le film Konviksyon, ce qui confère une certaine platitude à ce niveau, sans toutefois nier la précarité qui existe en termes d’images d’époques, dans ce domaine. Le réalisateur aurait pu permettre aussi à Manno Charlemagne de parler de manière plus élaborée de ces albums, mis à part les rares extraits qui sont fredonnés ou brièvement interprétés dans le film, il n’a aucunement mentionné la discographie du chanteur, ce qui aurait aider à cerner la production relativement riche et consistante du chanteur. Malgré tout «Konviksyon» à une dimension didactique et éducative incontestable, un film que le grand public doit découvrir pour une meilleure compréhension de l’homme politique et l’artiste «Manno Charlemagne», et celle d’une tranche douloureuse de notre histoire de peuple sur le plan politique, et assez fastidieuse sur le plan culturel.

Jean Widler Pierresaint
https://tipiti.biz
Twitter ( @Tipitibiz)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.